La récente affaire d’Alexandre M., jeune décorateur qui s’est vu refuser le droit de donner son sang parce qu’il est homosexuel, relance le débat sur homosexualité et don du sang. Entre la grogne des associations qui parlent de mesure discriminatoire et la position des instances officielles qui arguent de la sécurité des donneurs, il semblait important de faire la lumière sur les arguments des uns et des autres.
Alexandre M., décorateur à Saint-Christollès-Alès dans le Gard, souhaitait donner son sang, un geste citoyen qui ne peut qu’être salué. Il entame les démarches mais seulement voilà, il y a un hic. Il est homosexuel et à ce titre, il se voit donc refuser le droit de donner son sang. Il décide donc de porter plainte pour discrimination, mais celle-ci ayant été classée sans suite par le tribunal d’Alès, il décide donc d’entamer une grève de la faim et se dit prêt à aller jusqu’au bout.
L’homosexualité, une contre-indication depuis 1983
L’homosexualité masculine est une contre-indication au don du sang depuis 1983 en raison d’un risque d’exposition de plus élevée au virus du Sida. Bernard David, directeur médical de l’Etablissement français du sang, tient à insister sur le fait que “cette contre-indication est une mesure de sécurité qui a tout à voir avec le receveur mais rien à voir avec une quelconque discrimination. D’ailleurs, le Conseil national d’éthique et la HALDE ont validé ces mesures de sécurité qui sont reconnues en tant que telles.“
En 2009, des données épidémiologiques toujours bloquantes
Plusieurs critères sont pris en compte pour qu’une personne puisse donner son sang : son âge, son état de santé et certains éléments de sa vie personnelle (voyages, pratiques sexuelles, usage de drogues, etc.). Par exemple, une personne ayant eu plusieurs partenaires sexuels dans les 4 mois précédant le don se verra refuser son don.
Ces critères évoluent cependant ; Ainsi, l’arrêté du 14 janvier 2009 repousse à 65 ans l’âge limite du premier don tandis que les donneurs réguliers pourront donner jusqu’à 70 ans. Mais cet arrêté récent réitère également le fait que l’homosexualité masculine demeure une contre-indication. Et ce, alors même qu’en novembre 2007, la ministre de la Santé, Mme Bachelot, promettait d’autoriser les homosexuels mâles à donner leur sang. Interrogée par RMC sur l’affaire d’Alexandre M., elle appuie les recommandations officielles.
Selon Stéphane Vambre, président d’Act up, “c’est d’autant plus énervant qu’elle revient sur des déclarations qu’elle avait faites en 2007 dans lesquelles elle affirmait vouloir mettre fin à ce qu’elle appelait elle-même une discrimination. Mais ce qui m’inquiète le plus, ce sont ses propos par rapport aux homosexuels. Elle argue du fait que le taux de prévalence du VIH est plus élevé chez les homosexuels. Certes, c’est vrai, mais il faut également savoir que le taux de dépistage dans la population homosexuelle est également plus élevé“.
Pour Bernard David, directeur médical de l’Etablissement français du sang, “si l’attitude de Mme la ministre a évolué entre 2007 et aujourd’hui, c’est qu’elle a pris toute la mesure des données épidémiologiques disponibles. Le risque global est réel et nous ne pouvons pas faire autrement que de prendre des mesures larges. C’est bien pour cela que la ministre a décidé de ne pas toucher à la contre-indication en vigueur. Ce qui compte avant tout, c’est la sécurité de receveur et du donneur.“
Comment sont établis les critères ?
Selon Bernard David, “Le risque est mesuré de façon régulière, tous les ans, par l’Institut national de veille sanitaire. Or, les données épidémiologiques concernant les homosexuels mâles font apparaitre qu’ils sont plus touchés par le VIH que la population générale. Par ailleurs, plusieurs études comportementales ont montré que les homosexuels mâles ont des pratiques sexuelles plus à risques que les hétérosexuels. En particulier, la fidélité au sein d’un couple est moins respectée et le multi-partenariat est beaucoup plus fréquent.“
Et les homosexuelles alors ?
Le fait d’être une femme homosexuelle n’est pas une contre-indication au don du sang. Ce que nous confirme Bernard David “Il faut parler des relations sexuelles à risque, c’est le critère le plus important pour déterminer la contre-indication. Ce qui nous importe, c’est d’identifier les risques pour le receveur.“
Pourtant, le président d’Act up souligne que ça n’est pas si évident que cela : “En théorie, l’interdiction ne concerne que les homosexuels mâles mais en pratique, les femmes homosexuelles aussi sont concernées. J’ai l’exemple d’une de mes amies, militante à Act up, qui a souhaité donner son sang mais à qui cela a été refusé parce qu’elle est homosexuelle… Elle a certainement eu à faire à une personne qui n’était pas suffisamment informé. Nous avons d’ailleurs fait plusieurs testings qui ont confirmé cette discrimination.“
Discrimination ou principe de précaution ?
Alors, existe-t-il une discrimination envers les homosexuels pour ce qui concerne le don du sang ? Ce qui est sûr, pour Bernard David, c’est qu’“il existe un malentendu avec les associations d’homosexuels qui se disent victimes de discrimination. Il est important de comprendre que ça n’est pas du tout le principe de cette mesure. Encore une fois, c’est uniquement une mesure de sécurité pour le receveur. Dans l’état actuel des choses et avec les données épidémiologiques dont nous disposons, il n’est pas question de faire courir un risque quelconque au receveur.“
Pour le président d’Act up, Stéphane Vambre, les choses ne sont pas aussi simples… “Le pire, pour lui, c’est que la ministre de la Santé se dit prête à ne plus exclure les homosexuels des dons une fois que le taux de prévalence du VIH aura baissé. La question que l’on peut se poser est : comment souhaite-t-elle arriver à cela ?“
Encore une fois, rappelons l’importance des campagnes d’information, de dépistage et autres pour ne jamais relâcher la vigilance autour du VIH. Des campagnes d’information ciblées vers les homosexuels pour faire diminuer les pratiques à risques, et par là-même le taux de prévalence du VIH, serait une piste à sérieusement envisager.
Yamina Saïdj
Sources :
Interviews téléphoniques de Stéphane Vambre et de Bernard David, août 2009Site de l’Etablissement français du sangBase de données VIH de l’institut national de veille sanitaire
RMC.fr
Des sites pour aller plus loin :
Les indications et contre-indications au don du sang, sur le site de l”établissement français du sang :
http://www.dondusang.net/rewrite/article/44/puis-je-donner/indications-/-contre-indications/indications-/-contre-indications.htm?idRubrique=36
Act Up :
http://www.actupparis.org/
Institut national de veille sanitaire :
http://www.invs.sante.frClick Here: cd universidad catolica