Médicaments contre Alzheimer : des médecins appellent à ne plus les prescrire

Efficacité au mieux modeste, mauvaise tolérance… selon laCommission de la Transparence de la Haute Autorité de Santé estime que l’intérêt des médicaments contre Alzheimer est insuffisant pour justifier leur remboursement. Mais avant que la HAS publie un guide relatif au parcours de soins des patients concernés, le débat est vif entre les partisans et les opposants à un déremboursement de ces produits. Dernier épisode : trois syndicats de médecins appellent à ne plus les prescrire alors que la ministre de la santé,Marisol Touraine s’oppose au déremboursement, tant que le protocole de soins ne sera pas mis en oeuvre.

la Commission de la Transparence de la Haute Autorité de Santé estime que l'intérêt médical de ces médicaments est insuffisant pour justifier leur prise en charge par la solidarité nationale.

La

maladie d’Alzheimer touche près de 850 000 personnes en France. Son évolution est le plus souvent progressive, avec une aggravation des troubles cognitifs entrainant une perte d’autonomie puis une apparition de troubles du comportement. Le maintien à domicile peut devenir impossible et une admission en établissement spécialisé est alors être nécessaire.Des médicaments ne modifiant pas l’évolution de la maladie

En Juin 2016, la Haute autorité de santé (HAS) annonçait une réévaluation en cours sur le “service médical rendu” (SMR), c’est-à-dire, l’efficacité des quatre médicaments anti-Alzheimer actuellement sur le marché. Malgré l’opposition au déremboursement de la part des associations, notamment de France Alzheimer, la Commission de la Transparence a donc réévalué cette année les quatre médicaments utilisés dans le traitement de la maladie d’Alzheimer :

Ebixa® (Lundbeck),

Aricept® (Eisai),

Exelon® (Novartis Pharma) et

Reminyl® (Janssen Cilag). Il s’agit de médicaments à visée symptomatique qui ne modifient pas l’évolution de la maladie.
  

Lors de la précédente réévaluation en 2011, la HAS avait déjà conclu à un service médical rendu (SMR) faible tout en préconisant des mesures de bon usage pour réduire le risque de survenue des effets indésirables. Elle réitérait également la nécessité de disposer à l’avenir de données permettant d’apprécier l’impact de ces médicaments en conditions réelles d’utilisation.
  
Aujourd’hui, avec le recul, compte tenu de la confirmation de la faible efficacité de ces médicaments, de l’existence d’effets indésirables potentiellement graves et sachant que la prise en charge des personnes touchées doit être globale, la Commission de la Transparence conclut à un service médical rendu insuffisant pour justifier leur remboursement.Une efficacité au mieux modeste, à court terme, et des effets indésirables
Les données nouvelles confirment que l’efficacité des médicaments du traitement symptomatique de la maladie d’Alzheimer est, au mieux, modeste. Elle est établie uniquement à court terme, essentiellement sur les troubles cognitifs, dans des études cliniques versus placebo dont la pertinence clinique et la transposabilité en vie réelle ne sont pas assurées. Les patients de ces études sont en effet plus jeunes que ceux qui sont pris en charge en pratique réelle, et contrairement à ceux-ci ne présentent ni comorbidités, ni risques d’interactions médicamenteuses. De surcroit, les effets sur les troubles du comportement, la qualité de vie, le délai d’entrée en institution, la mortalité, la charge de la maladie pour les aidants ne sont toujours pas établis.
  
Il n’est pas possible de vérifier si les conditions d’utilisation des médicaments, telles que définies par la Commission de la Transparence en 2011 (réévaluation attentive de la prescription à six mois, décision en réunion de concertation pluridisciplinaire au-delà d’un an) ont été mises en œuvre. Or, les données accumulées depuis la commercialisation des médicaments confirment le risque de survenue d’effets indésirables (troubles digestifs, cardiovasculaires ou neuropsychiatriques pour les plus notables) potentiellement graves, pouvant altérer la qualité de vie. En outre, dans une population âgée, souvent polypathologique et polymédiquée, il existe un risque supplémentaire d’effets indésirables graves du fait d’interactions médicamenteuses.
  
Au regard de l’absence de pertinence clinique de l’efficacité de ces médicaments et des risques de survenue d’effets indésirables, la HAS considère donc que ces médicaments n’ont plus de place dans la stratégie thérapeutique.Privilégier les approches non médicamenteuses et multidisciplinairesLa prise en charge non médicamenteuse peut avoir lieu en ambulatoire ou en institution. Elle s’accompagne d’un soutien aux aidants familiaux. Elle doit dans tous les cas être mise en place par un personnel formé et s’inscrire dans le cadre d’un parcours de soins coordonné. Selon la HAS, elle peut prendre différentes formes :

  • une amélioration de la qualité de vie qui doit favoriser un confort physique et psychique et un environnement adapté ;
  • une prise en charge orthophonique qui vise à maintenir et à adapter les fonctions de communication du patient ;
  • une stimulation cognitive avec des mises en situation ou des simulations de situations vécues (trajet dans le quartier, toilette, téléphone, etc.) dont l’objectif est de ralentir la perte d’autonomie dans les activités de la vie quotidienne ;
  • une prise en charge psychologique et psychiatrique du patient et de son entourage ;
  • une promotion de l’exercice physique (notamment la marche).

La prise en charge globale des patients et de leur entourage promue dans les différents plans Alzheimer se poursuit via le plan maladies neuro-dégénératives 2014-2019 pour améliorer leur autonomie et leur qualité de vie. Un guide du parcours de soins pour la maladie d’Alzheimer sera élaboré par la HAS afin d’accompagner la prise en charge des patients et de leur entourage. Associations, ministre de la santé et syndicats de médecins en désaccordLe 20 octobre, l’association

France Alzheimer s’inquiète du déremboursement de ces médicaments : “Ces traitements symptomatiques participent à une prise en soin des personnes malades qui comprend un volet médical et un volet médicosocial. Leur déremboursement total envoie un signal négatif et dangereux à toutes les personnes malades qui bénéficient de ces traitements et à toutes celles qui sont engagées dans une démarche de diagnostic“.Le 21 octobre, la HAS publie dans

un communiqué que “Au regard de l’absence de pertinence clinique de l’efficacité de ces médicaments et des risques de survenue d’effets indésirables, la HAS considère donc que ces médicaments n’ont plus de place dans la stratégie thérapeutique“.Interrogée sur RTL le 26 octobre, la Ministre de la Santé déclare qu’il n’y aura pas de déremboursement de ces 4 médicaments dans l’état actuel des choses et qu’elle veut d’abord que soit mis en place “un protocole de soins“. Pour la Ministre, les médicaments incitent par ailleurs les patients à consulter et donc à se faire diagnostiquer. Concernant le parcours de soins, elle a déclaré : “je veux mettre en place un protocole de soins élaboré par les scientifiques en lien avec les associations de patients“. Et d’ajouter : “tant que ce protocole de soins ne sera pas élaboré et mis en œuvre, la question du déremboursement ne peut pas et ne doit pas se poser“.Le 4 novembre, dans un communiqué conjoint, trois syndicats de médecins MG France, la FMF et le Bloc, déclare prendre “aujourd’hui leurs responsabilités en recommandant aux médecins de cesser complètement la prescription de ces médicaments“. Ce communiqué traduit le tollé de plusieurs médecins qui fustigent un manque de courage des autorités sanitaires, qui sont pressées d’attendre… “Plus de dix ans ont été nécessaires pour que les autorités sanitaires françaises se décident au retrait du Mediator, dont la dangerosité et l’inefficacité étaient prouvées. Combien d’années seront nécessaires pour que l’inutilité et les effets secondaires des médicaments de la maladie d’Alzheimer, confirmés il y a quelques jours par la Haute Autorité de Santé, aboutissent à leur retrait ? (…) En cas de plainte d’une famille, les responsables politiques et sanitaires seront mis en cause. Les prescripteurs, informés des risques, et qui continueraient à prescrire, pourraient l’être aussi” soulignent les syndicats, qui préconisent que l’argent aujourd’hui dédié au remboursement de ces médicaments soient plus efficacement utilisé en accompagnant les malades et les aidants, notamment en facilitant le maintien à domicile par des “solutions de répit”.Click Here: Fjallraven Kanken Art Spring Landscape Backpacks

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