Quand l’apogée d’une carrière chez une femme dure 20 ans de moins que les hommes…

Une étude menée en mai dernier sur 1300 acteurs et actrices par le journal Le Monde révélait que l’âge d’or de la carrière d’une actrice s’arrêtait à… 32 ans. Contre 58 pour les hommes. De quoi largement alimenter le débat sur le sexisme au cinéma.

Si l’affaire Weinstein et la vague du #Metoo ont servi d’immense catalyseur pour libérer la parole chez les femmes (mais pas que), la question du sexisme est pourtant abordée depuis de nombreuses années dans le cinéma, où les exemples abondent. Aux Etats-Unis, à peine 5% des réalisateurs sont des femmes, tandis que seulement 36% du temps de parole concerne les femmes dans les oeuvres cinématographiques.

En mars dernier, peu avant les César, le journal Le Monde publiait une tribune, sobrement intitulée “sexisme et cinéma”. Sous-titrée “Les quotas, une étape inévitable pour vaincre les inégalités”, cette tribune, qui appelait à l’instauration de quotas pour garantir la parité, était notamment signée par Juliette Binoche, Agnès Jaoui, Charles Berling, Alexandra Lamy, Vincent Dedienne, Audrey Dana, ou encore Isabelle Carré. Ce texte rappelait les discrimintations dont font l’objet les femmes dans ce milieu, et appelait, concrètement, à “parvenir à la parité des commissions de production, à la parité du nombre de projets soutenus dans les instances qui gèrent les fonds publics”, et “obtenir le renouvellement des programmateurs pour atteindre la parité dans les lieux de promotion, de diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles”.

Le 19 mai, les Décodeurs du Monde publaient une étude avec une conclusion assez édifiante : l’apogée de la carrière d’une actrice française dure en moyenne huit ans, contre vingt-huit pour les acteurs. Sur un échantillon dépassant les 1300 acteurs et actrices, ils ont constaté que l’âge d’or des comédiennes françaises, “si du moins on considère comme unité le nombre de films tournés, se situe en moyenne entre 24 et 32 ans. C’est au fil de ces huit ans que les actrices jouent le plus grand nombre de rôles (en moyenne, elles tournent 1,5 film par an), avec un pic entre 27 et 32 ans. Puis entre 32 et 48 ans, le nombre moyen passe doucement à 1 par an, avant de passer sous la barre du film annuel entre 48 et 70 ans”.

A l’inverse, chez les hommes, le pic du nombre de tournages est atteint plus tard, à partir de 30 ans. Mais il dure bien plus longtemps; jusqu’à 58 ans en fait. C’est durant cette période que la moyenne de films tournés par an est supérieure à 1,5 (et même à deux films par an, entre 40 et 46 ans). Contrairement aux femmes, ce chiffre reste supérieur à 1 par an jusqu’à 67 ans (contre 47 pour leurs consœurs). Les Décodeurs ajoutent néanmoins que dans le cas d’acteurs connus, une fois les 50 ans passés, les hommes tournent davantage que les femmes, soit 2,5 films par an contre 2.

Le milieu se mobilise

Un sujet qui mobilise en tout cas l’AAFA, acronyme de Association des acteurs et actrices de France associés. En mars 2018, déjà, elle dénoncait “le tunnel de la comédienne de 50 ans”,  et réclamait une étude officielle “genrée et par âge de notre profession, afin de dresser un tableau objectif et indiscutable des discriminations”. “Pour rappel, les femmes de plus de 50 ans n’étaient représentées qu’à hauteur de 8 % dans les fictions françaises sorties en 2015. Pour 2016 les chiffres sont pires ! Les femmes de plus de 50 ans représentent un quart de la population majeure de France, et ne sont représentées qu’à hauteur de 6 % dans les films français de 2016… Les personnages féminins ne vieillissent pas.. Ils disparaissent des écrans !” lâche l’association sur son site.

Créée en 2015 au sein de l’association, la commission AAFA-Tunnel de la comédienne de 50 ans proposait par exemple de ne pas spécifier de sexe pour certains personnages – notamment pour les rôles de fonction et de pouvoir – et d’éviter d’adjoindre à un personnage masculin de plus de 50 ans une compagne de vingt ans sa cadette. “Rendre visibles les femmes de plus de 50 ans dans les fictions est un enjeu de société” poursuit l’association, qui souhaite aussi oeuvrer “à la vraisemblance entre l’âge des rôles féminins de plus de 50 ans et celui des actrices choisies pour les interpréter, afin que les femmes puissent se reconnaître dans l’image que la fiction donne d’elles”.

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