L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, l’ADMD, interpelle sèchement le président sortant, la candidate de l’extrême-droite et le candidat du centre qui se sont opposés publiquement à la légalisation de l’euthanasie. Pour marquer les esprits ou provoquer, l’ADMD a choisi de les montrer malades, alités, sous perfusion et de leur demander: “Doit-on vous mettre dans une telle position pour faire évoluer la vôtre sur l’euthanasie ?“.
L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité interpelle Nicolas Sarkozy (photo), Marine Le Pen et François Bayrou sur l'euthanasie active.
Le choc des photosLes images de Nicolas Sarkozy (page complète accessible
en cliquant ici), de François Bayrou (
cliquez ici) et de Marine Le Pen (
cliquez ici) ont donc été détournées, grâce à la “magie“ de l’informatique, pour les faire apparaître extrêmement souffrants et hospitalisés. Ces 3 candidats et leurs partis politiques se sont à plusieurs reprises opposés à une modification de la
loi Leonetti de 2005 sur la fin de vie. Et début 2011, c’est une proposition de loi visant à légaliser “L’assistance médicalisée pour mourir“, définie comme “un acte délibéré permettant une mort rapide et sans douleur“, qui a été
rejetée par une majorité de sénateurs (la majorité sénatoriale était encore détenue par l’UMP et le Nouveau Centre). La forme choisie par l’association, choquante au minimum pour la famille et les proches de ces 3 candidats, a pour but de marquer les esprits avant une manifestation de l’ADMD prévue à Paris le 24 mars “pour une grande démonstration faite aux pouvoirs publics et aux candidats à l’élection présidentielle du printemps 2012“.Quant au message, il est ambigu : est-ce vraiment par manque d’empathie (suggérée par la phrase “Doit-on vous mettre dans une telle position pour faire évoluer la vôtre sur l’euthanasie ?“) que ces candidats ne souhaitent pas d’évolution de la loi Leonetti ? Ou est-ce plutôt parce qu’ils considèrent que cette loi suffit, ou qu’ils comptent sur le développement massif des soins palliatifs ou encore parce qu’ils considèrent qu’un médecin ou une société n’ont pas le droit moral de donner la mort intentionnellement, même en cas de souffrances indicibles ?Le poids des sondages ?Un bref clip accompagne ces trois pages de publicité :
Ce clip s’appuie sur les résultats d’un
sondage Ifop d’août 2011, publié au moment de la très médiatisée
“affaire de Bayonne“. Ce sondage montre qu’une très large majorité de Français (94 %) sont “plutôt favorables“ ou “favorables“ à la possibilité de l’euthanasie active (suicide assisté par injection létale, par opposition au “laisser mourir“ de la loi Léonetti), mais il ne mentionnait ni l’existence de la loi contre l’acharnement thérapeutique ni les soins palliatifs :
Quelques mois auparavant, les opposants à la légalisation avaientcommandé à Opinion Way
une étude sur l’euthanasie intégrant les approches palliatives. Résultat, 60 % des Français jugent le développement des soins palliatifs prioritaire à la légalisation de l’euthanasie. Et 52 % craignent des risques de dérives si cette pratique est légalisée :
De toute façon, il pourrait être objecté aux partisans comme aux opposants de l’euthanasie que les sondages ne sont que des instantanés qui dépendent énormément de la question posée et du contexte politico-médiatique. Il serait, de plus, déplorable de gouverner uniquement en fonction des sondages, même s’il semble que les politiques d’aujourd’hui aient sans arrêt les yeux rivés dessus…Vers un débat sur l’euthanasie active ?Ces photos détournées,
qualifiées ce jour par Jean Léonetti de “campagne indigne“, ce clip et la manifestation de l’ADMD vont tenter d’imposer l’euthanasie sur le devant de la scène médiatique. Au grand dam des opposants qui,
comme le Pr. Emmanuel Hirsch et le Collectif Plus digne la vie, dénoncent une “présentation mortifère de personnalités politiques“ avec une interpellation violente, menaçante et donc inquiétante pour la démocratie.Pour ces derniers, priorité doit être donnée à une meilleure application des dispositions prévues par la loi Léonetti : pas d’acharnement thérapeutique, mise en œuvre de soins palliatifs, et, si besoin, arrêt des traitements vitaux d’une personne incurable après concertation avec l’équipe de soins (“procédure collégiale“) et de l’entourage (ou l’éventuelle “personne de confiance“ désignée par le patient avant l’aggravation de son état). C’est le sens donné à l’“euthanasie passive“ lors du vote de cette loi, l’arrêt des traitements signifiant, à court ou moyen terme, le décès anticipé du patient. Il y a quelques semaines, la publication du programme de François Hollande avait déjà amorcé le débat, en proposant “que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité“ (
proposition 21)Depuis, l’UMP lui a demandé de clarifier sa position, dernièrement le 6 mars par la voix de Nathalie Kosciusko-Morizet, porte-parole de campagne du candidat Nicolas Sarkozy :
Un vrai débat sur ce sujet de société pourrait donc avoir lieu dans les semaines qui viennent, chacun ou presque ayant malheureusement été confronté aux difficultés, parfois immenses ou révoltantes, de la fin de vie d’un proche. Imposer l’euthanasie dans le débat présidentiel, une priorité ?Mais si les souffrances indicibles de plusieurs centaines de personnes en fin de vie sont préoccupantes et si l’on peut déplorer qu’elles ne soient pas assez bien prises en charge aujourd’hui en France, la société française connaît de très nombreux autres problèmes… Des millions de Français attendent probablement d’abord des réponses sur le chômage, la désindustrialisation, le pouvoir d’achat ou encore l’accès aux soins, peu discuté dans les medias alors que la santé est le deuxième sujet de préoccupation des Français.En matière de santé, faut-il débattre à nouveau de la question de l’euthanasie, très complexe et influencée par la culture, la religion, ce qui influera éventuellement le choix de la future équipe dirigeante du pays ? Ou faut-il plutôt se focaliser sur d’autres questions comme la prise en charge des maladies chroniques, de la dépendance, ou sur les difficultés actuelles des urgences, des services hospitaliers et des personnels soignants, salariés et libéraux ?Pour en revenir à cette campagne de l’ADMD, un sentiment de malaise d’une partie du grand public est perceptible,
par exemple sur Twitter ou d’autres sites comportant des réactions de lecteurs (nos forums, en particulier le
forum Euthanasie, ne s’en sont pas encore fait l’écho). Peut-être est-ce tout simplement parce que cette instrumentalisation de l’image des politiques paraît déplacée, voire indigne, irrespectueuse ? Si ce genre de communication se généralisait, verrait-on par exemple une affiche avec François Hollande embrassant goulument sur la bouche Nicolas Sarkozy pour imposer un débat sur le mariage gay ? Ou encore Jean-Luc Mélenchon et Nathalie Arthaud chez le gynécologue pour dénoncer le non remboursement de l’anneau contraceptif ? Souhaitons que non, la santé et la sexualité méritent mieux que l’utilisation de photomontages douteux…Jean-Philippe RivièreSources : – Association pour le droit de mourir dans la dignité, visuels
accessibles sur leur site dédié à la campagne- “Loi relative aux droits des malades et à la fin de vie“, avril 2005, texte et rapports
accessibles sur le site du Sénat – “Le Sénat a rejeté la proposition de loi sur l’aide médicalisée pour mourir“, Senat.fr, présentation
accessible en ligne – “Les Français et l’euthanasie“, Résultats détaillés, Ifop pour Sud Ouest, Août 2011, présentation
téléchargeable en ligne- “Les Français méfiants face à la légalisation de l’euthanasie“, Opinion Way pour la SFAP, la SFAR, le CREFAV, le Collectif Plus digne la vie, janvier 2011, présentation
téléchargeable en ligne- “Jean Leonetti demande à François Hollande de condamner une campagne choc sur l’euthanasie“, lemonde.fr, 7 mars 2012, article
accessible en ligne- “Campagne publicitaire pour l’euthanasie : un message qui peut inquiéter tout démocrate“, Emmanuel Hirsch, Collectif Plus digne la vie, mars 2012,
accessible en ligne- Proposition 21 du candidat François Hollande sur la fin de vie dans la dignité,
accessible en ligne- Euthanasie : “Nous avons besoin de positions claires sur ce sujet douloureux“, Nathalie Kosciusko-Morizet, 6 mars 2012, vidéo
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